Après avoir atteint un niveau de maturité enviable qui en a fait un des meilleurs, notre système de santé et de protection sociale se trouve à un moment charnière. Il fait aujourd’hui face à des changements de besoins et de moyens tels qu’il doit s’adapter en profondeur pour maintenir son niveau de qualité et d’équité.

La révolution numérique qui s’implante progressivement constitue une opportunité pour faciliter ces changements dans le respect de nos valeurs humaines. Ses promesses concernent presque tous les domaines de la santé et de la protection sociale : la réduction des inégalités sociales et de santé, l’engagement des citoyens pour eux-mêmes et pour les autres, l’amélioration de la qualité des pratiques et des parcours, et enfin en tant que support d’innovations technologiques au service des usagers, des professionnels et du système de santé. Sa contribution à l’élaboration et à l’utilisation de bases de données nationales va aussi concourir à l’amélioration de la pertinence des soins et des accompagnements sociaux et médico-sociaux, et à l’évolution des méthodes d’évaluation, sans parler de la recherche. De nouveaux outils aideront à l’efficience des structures et des politiques publiques. Cette opportunité rend optimiste et doit être résolument exploitée en ce sens. C’est pourquoi la HAS a décidé cette année de lui consacrer son analyse prospective.

Il ne s’écoule désormais pas un mois sans qu’un rapport, une étude ou des réflexions colligées ne soient publiés à propos du numérique et de l’intelligence artificielle. Les politiques publiques ont pris la mesure du chantier avec l’inscription du virage numérique tant au niveau européen que national. La ministre des Solidarités et de la Santé a ainsi présenté le 25 avril 2019 la feuille de route de la politique du numérique en santé définie dans le cadre de la stratégie de transformation du système de santé. De nombreux aspects techniques et de gouvernance favorisant son déploiement y sont développés et un plan d’action a été établi. Au niveau communautaire la réflexion s’accélère également. La Commission européenne a adopté le 25 avril 2018, suite à une consultation publique en ligne, un plan d’action détaillant les moyens que devrait déployer l’Europe pour encourager la transformation numérique des soins et de la santé.

Les enjeux du numérique sont larges et divers dans les domaines de la santé et de l’accompagnement social. Comment mobiliser l’ensemble des acteurs ? Quels usages favoriser ? Comment faire du numérique un outil au service de la qualité des soins et des accompagnements ? Quelles évaluations mettre en place pour mesurer la qualité et développer la confiance ? Quels sont les prérequis et les conditions indispensables ? Pour tenter d’y répondre, la HAS formule vingt-neuf propositions pour que le numérique soit un outil au service de tous les acteurs.

Y sont développées quelques conditions et priorités qui couvrent des champs assez larges et divers comme encourager l’engagement des usagers et promouvoir la médiation numérique, ou structurer la réflexion de tous les corps professionnels sur l’évolution de leur métier. Tout comme faciliter la coordination des acteurs face à la montée des parcours complexes et des situations de vulnérabilité, et intégrer des fonctionnalités permettant l’auto-évaluation des pratiques par les professionnels dès la construction des outils numériques qui leur sont destinés. Ou bien encore, construire une matrice qui structurera une évaluation graduée des outils numériques, en prévoyant notamment une évaluation clinique des outils qui auront le plus d’impact sur la prise en charge thérapeutique des patients. Donner enfin les moyens financiers et humains aux secteurs social et médico-social, et nous doter de quelques principes pour justifier notre confiance dans la transformation numérique comme de garantir nos droits fondamentaux…

Une décennie va s’ouvrir. Elle doit être une décennie de progrès pour le plus grand nombre, intégrant pleinement le numérique et l’intelligence artificielle. Nous en avons les moyens, surtout si nous savons redistribuer les gains d’efficience produits par ces technologies pour engager un cercle vertueux pour tous.